ANOTHER WORLD
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Je rêvais d'un autre monde

Polyvalence et ardeur juvénile, période et systèmes propices à la création individuelle; une alchimie sans faille pour un résultat magique, au nom évocateur. Ce voyage pour gamers indéfectibles a gardé son magnétisme et toute sa dangerosité. Laissez-vous (télé)transporter!

Début des 90ties. L’Age d’or microludique Amiga/Atari ST touche à sa fin. Les fanas des ordinateurs de salons se cramponnent à leur Joystick, encore avides de nouveautés. Si l’avenir est indéterminé, Another World investit les lecteurs de disquettes et fait figure de passerelle à bien des niveaux.
La critique et les joueurs sont unanimes, voici un titre visionnaire, un pionnier conceptuel et technique, à la cohésion exemplaire entre son identité graphique et son gameplay.
Et pour cause, voici la prouesse d’un seul homme ou presque. Eric chahi conçoit la totalité de la programmation, des graphismes et de l’animation. Une contrainte dans laquelle l’auteur s’épanouit et projette sa vision, un subtil mélange de plateforme et d’action, à l’atmosphère unique, au style épuré s’élaborant dans l’imaginaire du joueur.

Une séquence cinématique de toute beauté ouvre l’aventure.
Le jeune physicien Lester Knight Chaykin a la facheuse idée de tester son accelerateur de particules un soir d’orage. Frappé par la foudre, le Synchotron crée une brèche et projette l’infortuné scientifique en tea-shirt vers l’inconnu.
Le ton est donné, le jeu peut débuter.
Echappant de peu à la noyade, Lester découvre le monde volcanique qui l’entoure.
Ses cheveux roux détonnent dans ce paysage cyan, signifiant qu’étant autre, il est ailleurs. Ce signal couleur déclenche la réaction immédiate de l’environnement: une activité sismique se déclenche, des formes de vies hostiles s’animent.
Aux prises avec un félin tenace, notre héro sera vite répéré par un chasseur à l’allure patibulaire de golem...
Commence alors une lutte pour la survie parsemée de morceaux de bravoures.
L’évasion, les interventions salvatrices d’un allié, les passages en apnée, l’arène... autant d’instants inoubliables pour une génération de joueurs.
Les énigmes sont ardues mais clarté et invention sont toujours de mise.
Troubler le sommeil d’un saurien ailé pour en faire un appât ou tirer parti des propriétés miroitantes d’un lustre pour venir à bout d’un adversaire hors champ, il vous faudra utiliser un pistolet laser trifonctionnel avec sagacité. Pourtant, le challenge est parfois retors. Chahi met à l’épreuve notre abnégation, parsemant les niveaux de pièges mortels et spectaculaires (une constance depuis son très gore Infernal Runner). Empoisonné, noyé, dévoré, autant de de superbes inserts animés qui consolent le gamer masochiste de ses fatales erreurs.
Ajoutons au tableau un climax bien punchy et le pauvre Lester termine l’aventure en état d’asténie. Un aveu du créateur quand au prix à payer pour avoir réalisé la quasi totalité d’un jeu en solitaire?

Observons donc ses outils.
Le langage filmique est employé à bon escient, au service du rythme.
L’habile intégration de brèves cut-scenes souligne ou précise les moments clés sans jamais ralentir le flux de l’action. Une ponctuation novatrice et inventive qui ajoute au soft des allures de film interactif.
La composition, soignée, se pare d’avants plans dynamiques et d’une grande profondeur de champ (voir le mouvement ascendant de camera qui dévoile la cité autochtone).
Le cachet “motion capture” de l’animation (excellence et fuidité) insuffle un réalisme bluffant à cet univers extatique.
Les polygones sont subtilement utilisés pour obtenir une représentation 2D (du Cell-shading avant l’heure), par souci d’optimisation (le produit final tenait sur 2 disquettes et était peu gourmand en chargements).
Une intention pouvant prêter à malentendu, à cette période d’essort des jeux d’aventure point’n click dont les pixels débordaient sur parfois plus de 10 disks!
Une petite décennie plus tard et en pleine expansion de la 3D, certains reprocheront bien au faramineux Heart of darkness son aspect 2d oldschool. Une autre bombe ludique orchestrée par Chahi, remarquée pendant l’E3 par un certain Steven Spielberg qui manifeste son intêret et envisage même une adaptation cinématographique. Un rendez-vous qui n’a pas eu lieu. Les amateurs se plairont à imaginer une transcription des entités ténèbreuses hystériques et grouillantes hantants le jeu sur grand écran.

Pendant ce temps et aujourd’hui encore, Another World fait parler de lui, connaissant régulièrement formes d’actualité; (re)découverte via le retro-gaming, saut d'espèce victorieux d’un support à l’autre (des ordi aux consoles), retitrages divers (Out of this World aux States et Outerworld au Japon), adaptation sur mobiles à venir...

Comme toute oeuvre marquant son temps, Another World transcende les modes et les contingences technologiques pour s’imposer au panthéon de l’ubiquiste musée vidéoludique.

boris tchechovitch

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BARBARIAN
 

Intense et brutal, Barbarian «the ultimate warrior» fut instantanément un classique, un méga-hit pour Palace Software après les remarqués Cauldron 1&2.
Véritable figure de proue, le visuel général (page de présentation, jaquette et poster) reste un -Top- modèle de publicité suggestive. Sauver les seins lourds de la pin-up Eighties Maria Whitakker des paluches du sorcier Drax, l'enjeu suscita l'engouemment! Quid du soft?
Un jeu de combat aussi fun que technique n'était pas si courant sur ordinateurs 8 /16 bits (il n'y a guère qu'International Karaté + pour égaler Barbarian à ce niveau). Une poignée de décors, un seul type d'adversaires (seules les couleurs changent) mais les enchaînements sont suffisamment variés pour donner une réelle densité aux échanges (coups à distance ou au corps à corps, parades). Les guerriers disposent d'un beau panel de mouvements: coup de taille dans l'estomac, roulade mord la poussière, coup de pied botecul, épée tournoyante ravage pagne... sans oublier le fameux circulaire retourné qui, bien plaçé, vous donnera envie de clamer: «il ne peut en rester qu'un!». Et au gnome verdâtre venu nettoyer l'arène de shooter dans la tête jonchant le sol!
Deux décennies plus tard, le plaisir reste intact, et les modes solo et Vs impeccables. Versions recommandées: Amstrad (plus rapide et plus belle) et Amiga (graphismes altérés mais bruitages excellents).
La recette ayant fonctionné à merveille, Palace se remit à l'ouvrage, ajouta à la sauce barbare des monstres et un labyrinthe pour un opus 2 qui, bien que de notoriété moindre, reste aussi réussi et prenant que son illustre aîné.

b.t.

 
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LE PACTE
 
Qui es-tu? E.n.t.i.t.é.d.é.m.o.n.i.a.q.u.e.
Que-veux tu? V.o.t.r.e.d.a.m.n.a.t.i.o.n.
Une scéance de spiritisme qui promet le pire quant à la suite des événements...

Le Pacte est un jeu d'aventure développé par Eric Chahi et édité par Loriciels en 1986.
Il bénéficie d'une réalisation sobre et efficace, d'une interface simple permettant de combiner verbe-nom, ainsi qu'une gestion jour/nuit, faim/soif/fatigue appropriée.
Salem. Premiers pas angoissants dans une demeure semblable à celle d'Amityville: les silhouettes de vos comparses Wilson et Laura arpentent la pénombre. Soyez attentif au comportement de leur chien Black.
Un coup de tonnerre souligne la découverte d'un verre qui vous sera utile pour le spiritisme. Puis, épuisé, vous vous écroulez de sommeil. Vos rêves prémonitoires sont effrayants mais utiles.
Le lever du jour n'offre que peu de réconfort : le grain des graphismes, les perspectives frontales oppressantes, les couleurs ternes et acides; tout accentue le malaise et la sentation d'une présence indicible en ces murs. Gare à votre niveau d'énergie psychique, sous peine de finir dément.
Au détour d'un couloir, la rencontre avec un livre en lévitation, prenez le en photo car qui vous croirait?! Mais le polaroid révèle le démon Astoth sous sa forme tangible et se consume instantanement. A l'aide d'un crucifix, figez à jamais le rictus infernal dans les bris d'un miroir.
Plus que deux démons à boutter hors de ce monde... à moins d'un ultime baroud d'honneur, imposé par les codes du genre?
Le pacte est le digne pendant Amstrad des films de maisons hantées post seventies.

b.t.

 
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MOONSTONE
 
Blessé mortellement, votre adversaire s'affale sur les genoux. Encore ¼ de seconde pour mettre à nu ses artères carotides. Le sol est une vraie pataugeoire, couvert des hectolitres de sang accumulés au cours de la rixe...

Conçu sous influence Monty Python/JDR/Barbarian, Moonstone fut interdit en Allemagne et sa sortie US fut annulé. La présence dans le menu d'un mode gore (que nul n'a sans doute jamais décoché) annonce la couleur, l'attraction principale du soft: des combats secs et bourrins, au rythme des changements de lune qui influent sur l'agressivité des créatures (majoritairement mâles pourtant).
Les fatalités sont nombreuses et spectaculaires. Un coup de tronc d'arbre asséné par un troll vous éparpille aux quatre coins de l'écran dans de grandes gerbes de sang.
Autre pic: l'élémentaire hantant les marais qui vous entraine sous la boue alors que retentit un tétanisant accord d'orgue.
Jusqu'à 4 joueurs peuvent entreprendre simultanément la quête de la pierre de lune druidique et investir les tanières inhospitalières d'une vaste carte.
La mission est longue et ardue (et sans sauvegarde!), rare est le joueur dont la silhouette chevaleresque sera inscrite au firmament.
Néanmoins, deux cités permettent de souffler et d'agrémenter votre escarcelle (boutique, armurerie, jeu des gobelets).
L'occasion idéale de repartir vos points d'exp pour augmenter vos habilités à votre gré.
Le contraste entre ce classieux aspect RPG et les débordements sanglants a grandement contribué à l'aura du soft. Bien que séduits par les qualités de Moonstone, Sega et Nintendo refusèrent le portage console d'un projet aussi frénétique.
Des ventes insuffisantes compromirent une suite.
Le statut de jeu culte est à ce prix.

b.t

 
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PARASITE EVE
 
Co(super)production Japon/US, Parasite Eve est un Action RPG mâtiné de Survival Horror qui exploite pleinement le potentiel du best-seller éponyme de Hideaki Sena, loin de l'adaptation filmique mollassonne.

La cantactrice Melissa Peace/Eve est l'hôte de mitochondries mutantes aux initiatives devastatrices: déliquescence des corps récepteurs et dégénérescence de la faune. Cette évolution accélérée pourrait compromettre l'humanité telle que nous la connaissons. Aya Brea, jeune officier du NYPD, est la seule à pouvoir s'opposer à Eve. Quel lien obscur partagent-elles?
CG raffinées et Ost somptueuse, la cinématique compil d'intro donne un aperçu de la bombe concoctée par l'équipe de FFVII: Carnegie Hall en flammes, Muséum d'Histoire naturelle investi par un fluide qui réanime les squelettes prehistoriques, jets et hélicos mis en echec par une entité géante en plein Manahattan, Statue de la Liberté jetée à terre...
La tension culminera lors d'un climax apocalyptique et démentiel; l'Ultimate Being s'extirpe d'un placenta géant qui recouvre l'Hudson River, sous le fracas des explosions de la flotte armée.
Les concepteurs imposent un design baroque, entre Katsuhiro Otomo (les chairs torturées d'Eve et de son rejeton) et The Thing (le bestiaire corrompu par les mitochondries rétives).
A cet égard, le mode de combat est très judicieux, avec la possibilité de choisir la zone d'impact sur le corps de votre adversaire et d'éviter ses ripostes en temps réel -ce qui augmente bien évidemment l'intensité de l'action!

Unique et incontournable, Parasite Eve est honteusement resté inédit en Europe, contrairement à sa suite plus conventionnelle. A vos imports!

b.t.

 
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